Décès d’un collaborateur que faire ?

Dans cette entreprise c’est Gisèle qui est partie, emportée par un cancer. Ici, c’est Anaïs, victime d’un chauffard. Et puis il y a Johan qui était au mauvais endroit au mauvais moment ce vendredi 13 novembre 2015…

C’est lourd, difficile à vivre et beaucoup de managers se sentent dépassés lorsqu’ils sont confrontés au décès d’un membre de leur équipe. Faut-il éviter le sujet, car après tout, l’entreprise n’est pas une cellule psychologique ? Faut-il s’arrêter de travailler pour marquer le coup ? Faut-il en parler ? Ne pas en parler ? Que faire ?

La réponse est simple. Il faut faire ce que vous auriez fait pour un bon ami.

Ne rien faire, c’est rompre le lien avec votre équipe, c’est lui dire « voilà ce que vous valez : pas grand-chose ». C’est aussi laisser roder des émotions qui ne manqueront pas de jaillir sous la forme de tensions « incompréhensibles ». Vous savez, ce collaborateur qui, du jour au lendemain, s’est mis à vous contredire systématiquement, à plomber l’ambiance de l’équipe et qui ne fait plus son travail aussi bien qu’autrefois… C’est aussi renier qui nous sommes : des êtres sensibles. Et oublier que l’entreprise est aussi…une grande famille.

Si c’est trop embarrassant pour vous parce que vous êtes pudique, ou trop étrange car le contexte est professionnel, laissez-moi vous guider…

Tout d’abord, rassemblez. Réunissez votre équipe.
Soyez absolument présent. Oubliez le mail. Ne leur proposez pas de rentrer chez eux. Vos collaborateurs sont impactés, ils ont besoin de soutien et d’être ensemble.

Nommez
Nommez ce qui est arrivé : l’événement, les circonstances, les faits.
Nommez les émotions présentes, en d’autres termes, les ressentis qui peuvent vous affecter ainsi que votre équipe. Cela peut être la colère face à l’injustice, la culpabilité parce que ce soir où vous vous êtes vus pour la dernière fois, vous avez été sec… Ou des sentiments ambivalents parce que cette personne n’était pas franchement facile à vivre…

Laissez nommer
Offrez à vos collaborateurs un espace pour exprimer leur sidération et libérer leur parole. « Quand je pense qu’hier encore, je lui parlais », « J’arrive pas à y croire”, “Dire que…” Accueillez. Laissez le temps à chacun de s’exprimer.

Proposez une cérémonie
Dites-leur que vous souhaitez organiser un temps commémoratif. Demandez-leur des suggestions. Elles viendront naturellement. Ce sera peut-être une minute de silence assortie d’un don à une association, d’un bouquet à déposer quelque part. Sollicitez les personnes proches. Elles vous guideront.

Animez la cérémonie
Ce temps doit permettre de rendre hommage. Rendre hommage c’est faire sens avec la disparition de la personne. En nommant ce que celle-ci nous a légué (vous reconnaissez sa trace dans l’histoire) et ce que nous apprenons de cette situation (vous retirez l’absurdité de la disparition).

Facilitez la participation aux obsèques
Permettez à tout collaborateur qui souhaite s’y rendre de le faire. Mieux, organisez le covoiturage. Si besoin, louez un mini-bus et prenez le temps de vous retrouver ensuite pour manger un morceau et partager.

Je ne peux pas nier que l’exercice est étrange car il touche aux émotions que nous essayons en général de mettre à distance sur notre lieu de travail. Pourtant, nous ne cessons pas, une fois la porte de notre entreprise passée, d’être des êtres sensibles que les rituels collectifs apaisent.

Un dernier point, entre l’annonce et les obsèques, votre équipe n’aura pas grand cœur à l’ouvrage. Dans cet entre-deux, le travail semble absurde et dérisoire. Acceptez. La vie reprendra tranquillement ses droits

Je tiens à remercier Constance de Lussac (psychopraticienne et coach certifiée à Rueil Malmaison) et Emmanuelle Lépine (directrice clinique chez Technologia) pour leurs précieux conseils.